Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LOCA PUBLICA

LOCA PUBLICA. -Il y avait deux catégories de lova publica, ceux de l'État romain (populi romani), ceux des villes de droit romain, colonies, municipes. A. Les loca publica populi romani, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de Rome, font partie des res nullius et constituent ce qui formerait aujourd'hui le domaine privé et le domaine public de l'État ; celui-ci en est réellement le propriétaire et c'est à tort qu'on l'a nié; l'objection que le lit abandonné par le fleuve public aurait appartenu aux riverains comme dédommagement, n'est pas probante, car s'il en était ainsi dans la pratique, en théorie beaucoup de jurisconsultes maintenaient sur ce terrain le droit imprescriptible de l'État'. Les loca publica forment trois groupes principaux: 1. Les propriétés qui ne donnent aucun revenu et qui sont laissées à l'usage public, telles que les rues, les quais, les places publiques3. II. Les res sanctae, telles que les portes et les murs des villes t. -III. Les propriétés qui fournissent des ressources pour des affectations spéciales ou des recettes qui dérivent du droit de propriété, plutôt que du droit de souveraineté, et qui portent les noms génériques de publica 5, vectigalia, pascua 6 On peut distinguer dans cette catégorie : 1° les lacet sacra qui rentrent dans les res nullius, divini juris7 ; la tradition les fait remonter jusqu'à la royautés; ils font partie du domaine de l'État qui les a mis à la disposition des différents collèges sacerdotaux, par exemple des Pontifes1°, des augures'', des Flamines, des Vestales" ou des temples", mais qui peut toujours les reprendre en cas de besoin" [TEMPLUM]. Il fallait une loi du peuple romain pour consacrer des lote sacra" ou pour en changer la destination ; aussi, en vertu de ce caractère public, les revenus des temples étaient affermés à Rome par les censeurs, dansles villes par les magistrats municipaux [cENsoR]'s 2° Les emplacements à bâtir concédés par l'État à des particuliers, sous la réserve de son droit de propriété, et moyennant une redevance dite solarium' ; ainsi sous la République le censeur assigne aux esclaves publics des emplacements où ils se construisent des logements 's ; sous l'Empire, cette attribution passe à l'empereur et aux curatores locorum publicorum '°. 3° Les constructions publiques affectées à un service particulier. 4° Les constructions publiques qui rapportent soit un loyer comme les boutiques, les magasins 20 (tabernae, macellum), les bains", soit des redevances, telles que les concessions d'eaux 2', le cloacarium pour le droit de conduire les eaux des égouts privés dans les égouts publics [CLOACARIUM], les péages de ponts", de routes 24, le PORTORIUM à l'entrée des ports [PORTORIGM]. Tous ces droits sont affermés sous la République par le censeur ou ses représentants [CENSOR], plus tard par les différents magistrats compétents. 5° L'ager 6° Les parties de rager publicus que garde l'État, telles salines [SALINAE], les lacs, les lagunes, les fleuves où la Sous la République, l'acquisition et l'aliénation des Iota publica sont subordonnées àun vote du peuple, géné ralement après consultation du sénat26 [COMITIA, SENATUS]; puis cette prérogative passe à l'empereur : ainsi les beneflcia impériaux sont surtout les concessions gratuites de terres domaniales, révocables au gré du prince et qui disparaissent avec lui, quoiqu'étant en général renouvelées et confirmées par le successeur. En 27 av. J .-C., Auguste avait fait une revision générale de ces conces LOC 1280 LOG sions et c'est à cette date que se réfèrent fréquemment les empereurs postérieurs'. La délimitation, la protection et la revendication des loca publica, le règlement des contestations qui se produisent à ce sujet entre l'État et des particuliers appartiennent essentiellement sous la République, à Rome, aux censeurs 2 (ou à leurs représentants, consuls et préteurs), quelquefois aux consuls au préteur urbain 4, souvent sur l'invitation et d'après les prescriptions du sénat'; pour layer publieus, il y a eu en général des DANDIS ADSIGNANDIS] ; SOUS l'Empire, cette attribution a passé parfois aux consuls aux praetores aerarii généralement aux différents curateurs 3 [ CURATOBES aux empereurs, pourvus ou non de la qualité de censeurs ; et le sénat invite encore quelquefois les pouvoirs compétents à procéder à ces opérations 10. En dehors de Rome, ce sont les consuls, les préteurs et les gouverneurs qui sont compétents 1f. Le magistrat (le préteur) dispose, dans l'intérêt du public et des particuliers, d'un interdit prohibitoire pour défendre de bâtir sur les loca publica, d'y établir quoi que ce soit qui pourrait nuirei2 [INTERDICTUM, p. 5581 ; on ne doit rien établir qui gêne la vue du voisin ; le fait de supprimer, d'amoindrir un avantage, dont jouissait autrui, constitue ici un dommage 13 ; la permission accordée par une loi, un sénatus-consulte, un édit impérial d'établir quelque chose in publico suppose qu'il n'en résultera de gêne pour personne; cependant l'édit impérial peut à la rigueur supprimer cette restriction''. L'interdit permet d'empêcher la réfection d'une construction établie sur un lieu public ; si un particulier a bâti sans opposition in publico, il ne doit être contraint à démolir que si la construction gêne la jouissance publique ; sinon, elle est tolérée, moyennant le paiement d'un solarium; le particulier, qui a bâti malgré l'édit du préteur, doit démolir; dans les lieux sacrés, non seulement on ne doit rien faire, mais on doit toujours remettre les choses en l'état antérieur 15. Le particulier qu'on empêche de jouer sur la place publique, de se baigner dans le bain public, doit avoir recours non à l'interdit, mais à l'actio injuriarum16. Nous renvoyons aux mots INTERautres interdits qui avaient trait aux autres catégories de inca publica. C'est d'après ces règles juridiques que l'édile doit, d'après la lex Julia i7, empêcher de clore les lieux et les portiques où le public a accès, de bâtir sur le sol public à Rome et sur un espace de mille pas en dehors de Rome, que les censeurs ont souvent fait enlever ce qui gênait la circulation, en particulier les baraques et théâtres en bois provisoires, qu'ils ont fait supprimer des constructions faites sur le sol public ou appuyées contre des édifices publics'. Pour la protection des aqueducs, il y a l'action concurrente des censeurs et des édiles 79. Le magistrat emploie ordinairement la cognitio extra ordinem entre l'État et les particuliers. Tout citoyen peut soutenir les intérêts de l'État par l'operis novi nuntiatio20, ou par l'interdit « ne quid in Men publico net itinere fat e dont un des caractères est d'être populaire (popularis)21. Enfin les magistrats disposent de l'interdit de loto publico fruendo qui est aussi d'utilité publique pour assurer, selon les règles du fermage, libre jouissance des lieux publics aux fermiers qui les édiles concèdent l'usage momentané du sol public pour une fête23 ou pour une autre raison" et, concurremment avec les censeurs, l'autorisation d'élever des statues 25. B. Les Iota publica des villes de droit romain ont à peu près les mêmes caractères juridiques et le même emploi que les précédents. Il y a d'une part les propriétés qui sont laissées à l'usage public 26 et d'autre part les loca sacra, les constructions affectées à un service public 27, les constructions qui rapportent des loyers ou des redevances, telles que le cloacarium, les péages, les redevances des eaux 28, les compascua 29, les mines, les salines, les forêts, les étangs, les carrières 30, les domaines fonciers proprement dits qui sont affermés soit à la façon ordinaire pour cinq ans, soit à long terme et à perpétuité 31 [AGER vECTIGALIS, ARCA]. Ce sont les magistrats municipaux, les duumvirs, les édiles, et plus tard, sous l'Empire, les curatores rei publicae et, au moins dès Marc Aurèle, les gouverneurs, qui sont chargés de la conservation et de la revendication des inca publica". Ce sont les magistrats municipaux qui font les concessions temporaires ou permanentes, mais sous réserve les édiles qui répriment les empiètements des constructions privées sur la voie publique3'. Quelques lois municipales donnaient au curator rei publicae le droit d'accorder gratuitement à des particuliers la faculté de faire des travaux sur le sol public; mais ce droit dépassait les attributions ordinaires du curator et même du gouverneur et était en principe réservé à l'empereur 3J, Les inca publica des cités étaient inaliénables et pouvaient être repris aux possesseurs, même acheteurs de bonne foi qui avaient alors recours contre les vendeurs 36 ; cependant ils étaient protégés par la prescription au bout de dix ou de vingt ans lorsqu'ils possédaient ex justa causa et bona /ide, à moins qu'ils n'eussent acquis la propriété publique d'un mandataire de la cité, en n'ignorant pas que c'était une res publica 37. Au Bas-Empire, le patrimoine des villes fut considérablement amoindri parla cession que Constantin et Constance firent au clergé chrétien d'une partie de leurs vec LOC 1281 LOC tigalia; Julien revint sur cette mesure, mais elle fut reprise par les empereurs suivants '. Julien s'efforça d'autre part de reconstituer les domaines municipaux en révoquant toutes les donations antérieures d'oper'a publica, en exigeant la redevance (pensia, canon, l'ancien solarium) des constructions faites sur le sol publie ou au-dessus des boutiques municipales, des ergasteria 2. Jusqu'à la fin de l'Empire, les praedia civilia furent en 443 annulait encore les usurpations de biens publics, faites depuis moins de trente ans"; en Orient, une loi de 431. maintenait la redevance due pour les locaux publics Le fermage des lova publica était en général perpétuel 6. Cri. LLCiuVAIN.